Depuis près de 10 ans, je me consacre pleinement à l’étude de la respiration, et parmi mes passions, il y a celle de chiner et collectionner de vieux ouvrages sur le sujet. Chaque livre ancien que je découvre est une véritable plongée dans le passé, et j’aime m’attarder sur l’odeur unique des pages jaunies, témoins silencieux du temps qui passe. Ces pages, fragiles et marquées par les manipulations successives, racontent une histoire qui dépasse le simple contenu du texte. Combien de mains ont tourné ces pages ? Combien d’esprits ont été inspirés par leurs mots ? Ces moments de lecture sont toujours empreints de solennité et de respect.
Ce qui me fascine avant tout, c’est la sagesse intemporelle que recèlent ces ouvrages. Bien sûr, la science a fait d’énormes progrès en un siècle, et certains enseignements peuvent paraître incomplets ou désuets. Mais ces médecins visionnaires, comme le Dr G.-A. Richard, avaient déjà compris une vérité essentielle : la fonction respiratoire est au cœur des stratégies de soin, de prévention et de performance. Leur vision était holistique, plaçant la respiration au sommet de leurs priorités.
Cela m’amène à une question fondamentale : que s’est-il passé en un siècle pour que nous devions aujourd’hui redonner ses lettres de noblesse à la respiration ? Comment cette fonction vitale, si centrale dans les écrits de l’époque, et dans les textes des traditions millénaires comme le Pranayama ou le Qi Gong, a-t-elle pu être reléguée au second plan dans nos approches modernes de la santé et de la performance ?
Dans l’univers foisonnant de la santé et de la performance, il est rare de tomber sur une œuvre ancienne qui résonne encore aussi puissamment aujourd’hui. Le livre du Dr G.-A. Richard, “La respiration dans l’exercice et le sport”, publié en 1927, est l’une de ces pépites intemporelles. Avec son sous-titre, “L’éducation respiratoire”, ce texte souligne à quel point la respiration est essentielle pour la santé globale, la performance et l’équilibre entre le développement intellectuel et physique, notamment chez l’enfant.
Voici un voyage dans les lignes d’introduction de cet ouvrage, qui s’adresse successivement aux médecins, aux maîtres, aux parents et aux sportifs. Chaque section éclaire une perspective unique sur l’importance de la respiration et de son éducation.
Aux médecins : de la maladie à la santé globale
Dans son appel à ses confrères médecins, le Dr Richard dénonce une vision souvent limitée de leur rôle :
« Le médecin est appelé pour soigner des maladies beaucoup plus que pour soigner des malades. »
Il plaide pour une approche plus holistique, où le médecin accompagne ses patients non seulement jusqu’à la disparition des symptômes, mais vers une santé optimale où les habitudes de vies, l’environnement, la relation à l’activité physique… sont prises en compte, et ajustées – les mêmes causes engendrant les mêmes effets.
Il souligne que l’éducation respiratoire joue un rôle crucial dans ce cheminement :
« L’éducation respiratoire est un des moyens les plus puissants de favoriser le développement normal de l’enfant, comme le retour à la santé complète de l’adulte. »
Les bienfaits de la respiration sont évoqués dans des contextes aussi variés que la prévention des infections pulmonaires ou la réduction des troubles fonctionnels du système nerveux. Avec conviction, il invite ses confrères à intégrer cette pratique simple mais puissante dans leur arsenal thérapeutique.
Aux maîtres : l’équilibre entre esprit et corps
Aux éducateurs, le Dr Richard propose une réflexion fondamentale sur leur rôle :
« Lorsqu’on parle des maîtres de l’enseignement, il s’agit des maîtres de l’esprit, comme si leur tâche devait consister seulement à meubler le cerveau de l’enfant… »
Il insiste sur l’importance d’une éducation intégrant corps et esprit, où l’éducation physique et la respiration jouent un rôle central. Pour lui, il est primordial d’apprendre aux enfants à connaître leur propre corps :
« L’exercice devrait comporter un enseignement théorique, apprenant à l’enfant, progressivement et suivant ses possibilités, ce qu’est son organisme, quels sont ses besoins, ce qu’on peut lui demander.»
Loin de considérer l’éducation physique comme une simple leçon de gymnastique, il imagine un système éducatif où les enseignants et les élèves collaborent à une connaissance et un développement harmonieux de l’être humain.
Aux parents : une vigilance précieuse
Le regard du Dr Richard sur le rôle des parents est éloquent et poignant. Il regrette une certaine insouciance face au développement physique de leurs enfants :
« Lorsque… je pose cette question : “Il y a combien de temps que vous avez vu votre enfant nu ?”, je m’entends le plus généralement répondre : “Mais, docteur, nous n’avons pas l’habitude de regarder ainsi notre enfant !” »
Cette déconnexion avec le corps de l’enfant peut avoir des conséquences graves. Il plaide pour une vigilance accrue et une observation précoce des signes de fatigue ou de développement insuffisant. Selon lui, l’éducation respiratoire est une solution accessible et utile :
« L’éducation respiratoire… rendrait un grand service si elle conduisait les parents à connaître mieux l’organisme de leurs enfants. »
Aux sportifs : la respiration comme levier de performance
Enfin, le Dr Richard s’adresse aux sportifs, mais également à tous ceux qui aspirent à une meilleure santé. Il redéfinit le sport comme une recherche de rendement maximal du corps humain et souligne l’importance d’un entraînement bien adapté :
« Le sport, forme supérieure du jeu, est l’exercice pratiqué dans toute la plénitude des possibilités et des forces de l’homme. »
La respiration, selon lui, est un élément central dans cette quête. Il défend l’idée qu’une éducation respiratoire méthodique peut bénéficier non seulement aux champions, mais aussi à toute personne souhaitant améliorer sa santé :
« L’éducation respiratoire… donne à l’exercice toute sa valeur en accordant aux divers rythmes du mouvement le rythme vital de nos poumons. »
Il va jusqu’à proposer un entraînement régulier pour tous, afin de contrer les effets néfastes de la sédentarité :
« Nous estimons qu’il serait extrêmement salutaire de se soumettre chaque année à un entraînement relatif… marquant la résistance active que nous opposerions à la déchéance trop fréquente chez les sédentaires. »
Une œuvre visionnaire et toujours actuelle
Le Dr G.-A. Richard a écrit bien plus qu’un simple manuel. Son ouvrage est une véritable invitation à repenser la place de la respiration dans nos vies. Que ce soit pour prévenir les maladies, optimiser la performance ou favoriser un développement harmonieux chez l’enfant, ses enseignements restent d’une actualité saisissante.
En redécouvrant ce classique, je suis émerveillé par la profondeur de ses observations et la modernité de ses idées. L’éducation respiratoire n’est pas une mode, mais une nécessité intemporelle, à la fois simple et puissante, pour une santé et une performance optimales. J’en suis convaincu, et j’oeuvre, avec l’ensemble des enseignants et stagiaires de la Breathing Academy, lui redonner ses lettres de noblesses.
Et vous? Seriez-vous prêts à suivre les conseils du Dr Richard et accorder à votre respiration l’attention qu’elle mérite ?
